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Carnet du Festival du Film Américain de Deauville, jour 2


5 septembre 2021 : We Are Living Things, une quête sur la présence extraterrestre, Pig, ou à la recherche d'une truie perdue, et une conversation avec Johnny Depp avant de découvrir son dernier film, City of Lies, en Première.


Le temps est clair dès le lever du soleil ce matin, mais je reste ravie de me plonger dans les salles obscures, et le programme est chargé. La magie du cinéma me fait presqu’oublier ma folle habitude de m’orienter en fonction des rayons du soleil. Direction le Centre International de Deauville.


We Are Living Things, d'Antonio Tibaldi / (Compétition), en salle prochainement


Chuyao (Xingchen Lyu) et Solomon (Jorge Antonio Guerrero) dans We Are Living Things, d'Antonio Tibaldi, 2021. EnMaze Pic­tures


Avant et après la projection, le réalisateur Antonio Tibaldi, chérissant l'indépendance - il a créé sa propre boîte de production "No Permits Produktion" - nous a partagé sa vision du cinéma. Selon lui, la meilleure manière d’entrer dans un film c’est de n’en rien savoir. « C’est s’abandonner au film, y entrer comme on entre dans un rêve. » Sa comparaison avec le rêve est revenu souvent, il a souhaité que son film en porte l’esthétique, et des plans mystérieux, gardant leur part d’ombres et de secrets, émergent un arrière-goût de rêves, cette impression fugace du toujours-là mais déjà-dissipé.

Aussi, pour vous laisser découvrir au mieux ce film, je ne dirai que peu de chose sur l’histoire de ses deux protagonistes, deux immigrants vivants à New-York City, Solomon et Chuyao, l'un chaleureux, l'autre énigmatique, se rencontrant par hasard, au détour d’un regard. Mais de cette simple rencontre se forme une aimantation particulière, qui les mènera à partager leur chemin, voire leur destin. Ou comment la croyance, ici à une présence extraterrestre, mais le réalisateur la compare à n’importe quelle autre religion, empêche de faire le deuil. Ce traumatisme de la perte d'un proche, quand il n'est pas résolu, peut malheureusement conduire à perpétuer douleur, et se tromper de chemin.



Pig, de Michael Sarnoski / (Compétition), en salle le 27 octobre 2021


cz



City of Lies, adapté du livre du journaliste Randall Sullivan, LAbyrinth (lauréat du prix Pulitzer), de Brad Furman / (Première), en salle le 9 avril 2022


Russel Poole (Johnny Depp) et Jack Johnson (Forest Whitaker) dans City of Lies, de Brad Furman, 2021. Good Films

Durant une conversation avec Johnny Depp, ouverte au public, durant laquelle le journaliste est revenu sur les débuts de sa carrière, Depp nous a conté son admiration pour le cinéma muet - Charlie Chaplin et Buster Keaton l’ont beaucoup inspiré - sa déférence pour Hollywood qui, dit-il, « n’aurait jamais supporté regarder un tableau de Bruegel » vu leur obsession pour une esthétique clean - surtout sans fumier - et saturée de fausseté. Depp a aussi rappelé son amour originaire pour la musique, car elle est, nous explique t-il, un art qui gage sur l'immédiateté pour s'ancrer à jamais dans les coeurs des auditeurs. Une fatigue - ou ne serait-ce que de la nostalgie ? - semblait peser sur ses épaules. Ce qui n’était pas sans rapport avec le personnage qu’il incarne dans City of Lies.

En effet, dans le dernier film de Brad Furman, Johnny Depp interprète un détective, Russel Pool, qui enquête sur les meurtres de Tupac et de Christopher « The Notorious B.I.G. » Wallace qui eurent lieu en 1997. Le talent de Depp, ses mimiques irremplaçables et son regard froncé où l’ordinaire et l’extraordinaire se rejoignent toujours, parvient à mener ce film un peu plus loin que ce que la mise en scène aurait fait toute seule. Un rien classique mais tout de même réussi, City of Lies télescope deux époques : celles où les faits se sont déroulés, et celles où le détective à la retraite expose à nouveau l’affaire - il n’est jamais parvenu à abandonner sa théorie sur ces meurtres - à un journaliste résolu, interprété par Forest Whitaker. Le fait que, vingt ans après, les meurtriers n’aient toujours pas été découverts pose clairement question. Le film, qui reste sage dans sa composition et mises en scène, s’intéresse en fait davantage au message qu’il veut faire passer, à savoir une corruption généralisée dans les services de police. Là encore, le cinéma américain donne l’impression d’aspirer à la vérité, mais l’authenticité des faits comme des hommes, reste vaine, impalpable, et détruit aussi bien les coeurs que les espoirs qui les nourissent.


Apolline Limosino

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