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À l'intérieur


© Bernard Baudin



À l'intérieur il y a du jaune. Au fur et à mesure qu'ils creusent, ils découvrents des grains colorés, ocres, on pourrait même croire que c'est de l'or. Mais ce n'est rien d'autre que de la terre polluée. Le chantier avance vite, les grues s'élèvent haut dans le ciel bas, les hommes portent des casques trop grands ou trop petits. Rien ne semble à la juste taille. Dans leur tenue de travail, ils se lançent des pics. Ils ont des ongles ravagés, ils font comme ils peuvent. Des centaines de trains passent à côté des travaux. Chaque jour les rails s'éloignent pour se rejoindre. C'est le contour qui forme la beauté.


Leurs bottes foulent le sol d'or et leurs mains larges conduisent des machines de fer. Ici on retourne tout, le bruit est infernal ; les bidonvilles adjacents en sont dérangés : mais c'est tant pis. Le seul exotisme ici c'est la poudre de soleil bleue au reflet rose vers 8h40 au début de l'hiver.


La Seine siffle doucement quand le silence se fait entendre. Alors pendant la pause déjeuner de 20 minutes ils iront faire des ricochets mais aucun d'eux n'y arrivera plus. L'échec de ce jeu d'enfance leur laisse un goût âcre en bouche. Ils essaient de rattacher leurs souvenirs, en vain. Puis ils se retourneront, le pas lent mais sûr, vers les brouettes, les chemins jaune et les cascades d'or. Leurs yeux luisent presque, leurs poings se serrent à demi. Lorsque sonne la fin de journée, ils savent bien que le temps de se rentrer chez eux, leur famille dormira déjà. Déjà, le noir c'est 18 heures. Ici c'est la nuit totale de ces êtres invisibles.



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