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"Blizzard" de Marie Vingtras

Le premier roman de Marie Vingtras, Blizzard (L'Olivier) suscite un engouement général dans le monde des livres. François Busnel (La Grande Librairie) a même désigné son autrice comme "la mère du meilleur premier roman de cette rentrée littéraire."


Si le titre évoque déjà un horizon américain - le blizzard est un phénomène météorologique commun en Amérique du Nord - la noirceur souterraine du récit le rapproche du meilleur de la littérature américaine (David Joy, Benjamin Whitmer, Colson Whitehead et Tiffany MacDaniel en tête).


D'emblée plongée dans une intrigue déroutante, Blizzard captive : Bess vient de perdre, par inadvertance, l'enfant qui était sous sa responsabilité. Après avoir décidé de sortir en pleine tempête de neige, alors que la visibilité extérieure est réduite de moitié, elle lâche la main de l'enfant pour resserrer ses lacets. Ces quelques secondes se révèlent fatidiques, signant la disparition de l'enfant. Constatant son évaporation, Bess part à sa recherche, bientôt suivie de Benedict, le père de l'enfant, lui-même accompagné d'une vieille connaissance de sa famille, Cole. Quant à Freeman, vétéran de la guerre du Vietnam venu se réfugier en lieu hostile, il profite de la tempête pour faire le point sur sa vie.


Tempête partout


Malgré les grands espaces de l'Alaska, où se déroule l'action principale, Blizzard manifeste une sensation d'écrasement. Les sentiments des personnages sont si chargés de perfidie ou de douleur qu'ils saturent une atmosphère déjà asphyxiée par le blizzard. Ainsi, l'action semble se passer en huis clos, toutes portes fermées. Tel un personnage à part entière, le climat est une menace : tantôt cruel tantôt angoissant, il efface les traces de l'enfant.


À mesure de deux ou trois pages, guère plus, chaque chapitre est ciselé par une écriture raffinée. L'union de ces chapitres constitue un recueil de monologues intérieures pareilles à des cicatrices. Car la disparition de l'enfant évoque d'autres fantômes, convoqués à demi-mot dans ce roman à la beauté spectrale. Telles des réminiscences, les traumatismes des quatre personnages jaillissent. Tour à tour accablées puis résolues, viscéralement seules, les voix de ce quatuor s'accordent, sans toutefois jamais parvenir à se répondre. Tel un tableau, l'autrice dépeint une ronde de jours en plein blizzard, et parvient à donner à ses personnages des dimensions romanesques fascinantes. Tous partagant peut-être le même souhait : s'extirper du monde réel afin que "le temps n'[ait] aucune prise sur [leurs] vies."


Apolline Limosino

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